sommaire des articles et interviews

Extrait de "Crépuscular Dawn" de Paul Virilio

Influences de la révolution biotechnologique dans l'art contemporain Extrait de mémoire de Ph. Mercier

Interview par Sabine Tartarin (dossier L'art Transgénique )

Anne Esperet, plasticienne des corps !
samedi 26 octobre 2002, par Frédéric Vignale-Thomas
(www.e-terviews.net)

DECADENCE OU RENOUVEAU VIA LE BIOTECH ?
article en ligne sur la spirale.org,(juin 2003) digital mutant ezine


L'humanité hebdo 07/07 2001

le républicain Lorrain . avril 2001

18 mai 2001 Le républicain Lorrain

 

 


 


Extrait de "Crépuscular Dawn" de Paul Virilio

"I met a young French artist, Anne Esperet, who is dabbling with self-eugenics and considers technological manipulations of the body to be an alternative utopia, an attempt to anticipate individual genetic choices through a kind of exploratory forward flight, just like Orlan¹s work. So she didn¹t hesitate to go to actual slaughter-houses and select the parts to be cut out of pigs, cattle, etc. Then she electronically recomposed monstrous anthropological configurations with pieces of lung, etc. Her "bio-fictional" images are sometimes unsettling, to say the least, but sometimes they simply look like comic strips, big blue veal floating over various pieces of anatomy... I find it terrifying. It¹s a sign of the art of abjection. Contrary to those American artists in the eighties who tried their hands at " abject art" and ended up objectifying the abject by mimicking certain repulsive substances, excrement, etc., Esperet¹s kind of "portraits" mostly don¹t not come off that way. They are colorful, brash, pastel pink, a kind of parody of themselves and of actual monstrosities to come. Yes, but there is no art without the practice, and the practice of cutting pure bodies to recompose them... "

à parraitre en octobre novembre à la MIT press

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Influences de la révolution biotechnologique dans l'art contemporain .
Extrait de mémoire de Ph. Mercier

"Influences de la révolution biotechnologiquedans l'art contemporain" .

… À la vue du travail photographique d'Anne Esperet, une réflexion m'est venuepresque immédiatement .Il y a dans ces deux séries, Organismes 1ère génération et Organismes 2nde
génération, tout le pragmatisme du discours inquiété de l'artiste face à un mouvement nouveau au
sein de la société Mais inquiété ne veut pas dire apeuré. Au contraire ces photographies regorgent d'humour et nous montre une voie teinté d'intérêt quant à cette évolution. La démarche d'Anne Esperet se caractérise avant tout par une sorte de scepticisme mêlé de curiosité. Si j'ai voulu précédemment faire une distinction entre les artistes qui décrient les avancées de la génétique et ceux
qui leur font une ovation, Anne Esperet se situe exactement au centre. De part son travail, cette jeune artiste nancéenne montre qu'à toute chose nouvelle, il est bon de s'intéresser, et d'en déterminer les atouts mais aussi les possibles conséquences néfastes. Abordant le sujet par le biais de " créatures " parfois drôles parfois angoissantes, les hybrides organiques d'Anne Esperet ont l'intérêt particulier de nous montrer du doigt le Possible. Les associations diverses d'éléments organiques composant ses hybrides sont la métaphore parfaite des possibilités de l'industrie génique. Nous sommes devant un gigantesque mécano dont les pièces sont toutes interchangeables et dont la seule limite est l'imagination. Toutes fonctions naturelles devenant reproductible, les formes à créer sont de l'ordre de la multitude. Intégrées au sein d'un site Internet, à l'aspect commercial - celui d'une fausse compagnie d'ingénierie génétique proposant à la vente ces organismes, avec en prime la
possibilité de choisirl es proportions de tel ou tel animal devant servir à fabriquer le futur hybride
- les "organismes"nous rappelle également la main mise des sociétés et des gouvernements sur l'évolution à venir de cette révolution.

[ici des images des organismes 2nde génération pour illustrer le propos]En tant que telles, la démarche d'Anne Esperet est la preuve qu'il s'établit une véritable stratégie de communication artistique en réponse à questionnement général sur le futur technologique. Rejoignant par là les auteurs (littéraires ou autres) de science fiction, Anne Esperet propose des visions possibles d'un avenir incertain. Mais encore, par l'étrangeté de sesréalisations, par leurs côtés à la fois monstrueux et drôles, elle laisse la porte ouverte à l'interprétation. Plus que d'offrir sa vision des choses, Anne Esperet tente d'abord d'interpeller unpublic, et de l'engager à réfléchir sur ce sujet. Les "organismes" sont suffisamment variés en soit, de part leur formes esthétiques pour provoquer un large éventail de réactions chez le spectateur ,réactions épidermiques, qui elles aussi sont la métaphore de l'interrogation suscitée ;elles sont la prise de conscience de l'ampleur de la révolution biotechnologique et de ses possibilités. Ces organismes sont ils redoutables, doit-on se méfier de leur nature chaotique ou au contraire doit-on se réjouir du contrôle absolu de la science sur la forme organique en général et sur le corps en particulier. De réponses à cette question, il n'y en a pas dans le travail de cette artiste.

Mais il y a en revanche une réelle volonté de discours, proposant ainsi une alternative " à un enjouement sans limites, un refus catégorique ou une indifférence totale face à la révolution biotechnologique."Cette volonté s'inscrit dans une certaine forme d'urgence : Urgence à comprendre les tenants et les aboutissants ; Urgence participer activement à cette révolution (à l'établissement de ses règles par exemple, par la consultation publique sur les questions d'éthique entre autres)mais aussi pour faire partie intégrante d'un mouvement si gigantesque qu'il est en train de changer le corps humain, corps social et morphologique. Ne pas être laissé à la traîne d'un changement de première importance dans l'histoire de l'humanité. Pour reprendre les termes de David LeBreton : "Le corps n'est plus seulement, dans nos sociétés contemporaines, l'assignation à une identité intangible, l'incarnation irréductible du sujet, son être au monde, mais une construction, une instance de terminal, un objet transitoire et manipulable susceptible de maints appariements " Anne Esperet, par son travail plastique a montré qu'elle avait pris conscience de cette malléabilité des corps et elle participe à la banalisation de cette inconstance des corps. Elle nous prévient de sorte que chaque spectateur puisse aussi accéder à cette prise de conscience. Et elle l'affirme bien haut :c'est une nécessité de la première importance puisque cette révolution des biosciences est déjà encours. " Il est temps de créer un art de vivre cette révolution technologique. Temps d'imaginer dansle détail toutes les possibilités de vivre notre futur corps post-humain, en l'anticipant au maximum et imaginant l'inimaginable. Anticiper des situations futures par le biais de fictions, expérimenter de nouveaux outils pour communiquer au plus grand nombre les enjeux de ces sciences, contribuerait à anarchiquement notre
rapport à notre corps et à celui des autres C'est un contexte ou l'art peut jouer un rôle important : celui d'être un suspicieux qui propose à ses contemporains des utopies signifiantes."

Philippe Mercier


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DECADENCE OU RENOUVEAU VIA LE BIOTECH ?
article en ligne sur la spirale.org,(juin 2003) digital mutant ezine (cliquez)

 


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Anne Esperet, plasticienne des corps !

samedi 26 octobre 2002, par Frédéric Vignale-Thomas

source : http://www.e-terviews.net/

Le progrès des technologies touchant à l'Humain est une porte ouverte à toutes les recherches concernant le vivant. Tout est possible, le champ d'expérimentation est immense et Anne Esperet, en alchimiste du temps, présent l'a bien compris. Elle nous dévoile tout cela sur ses sites web et dans les galeries... ses créatures-créations et beaucoup d'autres choses passionnantes y sont exposées. Elle nous parle dans cette E-terview exlusive de son univers, de ses projets et de son regard unique sur notre siècle. Rendez-vous dans 100 ans, elle sera toujours là pour nous étonner, c'est certain.

1. Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre art très pointu à ceux qui ne vous connaissent pas encore ?

Je suis une plasticienne française qui vit et travaille à Nancy. Je ne sais pas si je pratique un art très pointu mais l'objectif de mon travail est précis : en investissant l'espace public avec des images de "ratés" de la science, de " bio-fictions de toutes sortes, je souhaite intéresser mon public à l'importance des conséquences de la révolution biologique. Même s'il serait utopique de croire que l'opinion public pourrait avoir un impact sur les décisions concernant les avancées des biosciences. Celles-ci resteront aux mains exclusives de politiques et industriels qui s'enrichiront ou augmenteront l'étendue de leurs pouvoirs . La prise de conscience de l'existence des ces technologies et leur implication étant déjà beaucoup, j'essaye d'y contribuer pas.

Je propose à travers une pratique plastique, une alternative nuancée, à un enjouement sans limites, un refus catégorique ou une indifférence totale face à la révolution biotechnologique.

En résumé, je propose d'utiliser l'art pour amortir l'atterrissage de notre immense saut dans le post biologique et le post humain.

2. Le critique Art Hunter dit de vous que votre démarche " nous renvoie brutalement dans un univers peuplé de créatures hybrides qui a bien y réfléchir ne sont pas que de simples extrapolations cauchemardesques." Qu'en pensez-vous ? A- t'il bien saisi le sens de votre travail ?

En effet, il y a 2 temps dans la lecture des photos de la série « organismes 2ème génération. D'abord la surprise que provoque l'aspect cauchemardesque et original des créatures, puis vient le questionnement quant à leur existence réelle et leur origine. On dépasse l'amusement, la surprise ou la répulsion des premières secondes pour se questionner sur les potentialités actuelles de manipulation des êtres vivants.

3. Ce qui semble très intéressant chez vous c'est la cohérence totale que l'on peut trouver très vite en découvrant vos goûts littéraires qui sont le prolongement ou peut-être même la base de votre réflexion picturale ?

Mon intérêt pour la littérature de science fiction n'est pas la base unique de ma réflexion. C'est vraiment l'ensemble des choses, des personnes, et de toutes les informations qui m'entourent qui l'anime. J'aime la comparaison de l'artiste avec un filtre et avec un rétroviseur… Au niveau de la littérature de science fiction, ce qui influence le plus ma démarche c'est l'impression que ces univers (notamment dans le champ du bio) ne seront plus de la fiction très longtemps !

4. Vous avez eu un choc en lisant Houellebecq avec un "q" et Philip K. Dick avec un "K" ?

Ce qui m'a plu dans "Les particules élémentaires", c'est l'idée de l'apparition à notre époque d'une découverte médicale qui révolutionne subitement toute la façon de concevoir la vie. De là à parler de choc de l'ordre de ceux qu'on peut effectivement ressentir en lisant un livre de K-Dick, il y a un pas infranchissable.

Phillip K-Dick est un maître de l'illusion, toute son oeuvre parle de la fragilité de ce que nous croyons être la réalité. La lecture de ses livres ne peut pas laisser indemne, il a largement influencé toute la science fiction moderne.

5. Le corps humain et animal sont-ils les seuls véritable objets ? La nature pour vous c'est avant tout le corps ?

Non. Le corps est pour moi une interface géniale avec la nature et en même temps une somme de contraintes énorme .Le terme « Nature » m'évoque plutôt le milieu naturel avec les êtres vivants de toutes espèces y évoluant. C'est à dire, un écosystème fragile, féroce et compliqué où jouent énormément de paramètres les uns avec les autres . Ainsi, je crois qu'on ne peut parler de « nature » sans parler « d'écologie ». Le corps c'est ce qui incarne l '"être au monde" dans une matière périssable et évolutive.

6. Comprenez-vous que certains observateurs trouvent votre travail morbide, trop chirurgical ou carrément laid ? Est-ce que la provocation implicite qui est dans vos objets d'étude est un aspect qui vous fait jubiler, vous amuse ?

Je les comprend absolument et espère simplement qu'ils se demanderont pourquoi en 2002 on voit des photographies de monstres et mutants dans des lieux d'exposition. Plus qu'un amusement, cette utilisation d'images provocantes est une stratégie de communication. J'essaye d'intéresser un large public à un sujet précis et la provocation visuelle est un outil que je revendique pour accrocher l'intérêt premier. Il n'y a pas dans ces images d'objectif de « beauté » ni d'éloge du règne animal, c'est une invitation, un peu brutale peut-être, à un questionnement.

7. Vous vous dites photographe mais vous êtes aussi un sculpteur, un plasticien, un metteur en scène organique non ?

Tout à fait. En fait, je ne suis pas à proprement parler une "photographe " et je n'exerce pas ce métier. Pour réaliser les photos d' « Organismes 2ème génération » j'ai travaillé avec Pierre Migniot qui lui exerce le métier de photographe. Ses compétences techniques, et le matériel de mon ami ont été mises à rude épreuve...

Je suis plasticienne et ne souhaite pas me limiter dans les moyens d 'expression (instalations, web, projections) de ma démarche. Cependant la photographie est actuellement la technique que j'utilise le plus. Je trouve l'image photographique particulièrement pertinente pour représenter des fictions.

8. Cela vous amuserait si on vous demander de créer les monstres d'une adaptation cinématographique de "l'Ile du Docteur Moreau" ?

Oui ce serait marrant je crois que cela ma plairait. Ce qui m'amuserait encore plus, serait de collaborer à de véritables recherches scientifiques. A leurs besoin de communication mais aussi, d'être une petite souris lors des réunion de création de nouveaux projets de recherches…

Concernant le roman de Wells, contrairement à lui, je ne diffuse pas, via un scénario mettant en scène des hybrides, de message moral et éthique. Wells puni le méchant généticien fou par là même où il a « péché. » Mes images de créatures ne se veulent aucunement moralisatrices. Les histoires auxquelles elles renvoient sont propres à chacun, inconscientes et individuelles. Je tente de provoquer une prise de conscience concernant l'ampleur de la révolution en cours.

9. Est-ce que le travail sur le corps d'une artiste comme Orlan trouve grâce à vos yeux ?

La démarche d'Orlan est exceptionnelle. Elle est l'une des artistes travaillant avec le corps des plus engagées dans sa démarche. Ses performances, opérations chirurgicales sur son propre corps sont d'une symbolique très puissante et je partage son avis lorsqu' elle dit que l'art qui l'intéresse : « …s'apparente, appartient à la résistance. Il doit bousculer nos a priori, bouleverser nos pensées, il est hors normes. Il est hors la loi. Il n'est pas là pour nous bercer, pour nous servir ce que nous connaissons déjà, il doit prendre des risques, au risque de ne pas être accepté d'emblée, il est déviant, il est en lui même un projet de société… »

Nos démarches peuvent être comparées dans la volonté de secouer le spectateur et de l' inciter à s'approprier son propre corps. Comme elle, je souhaite questionner le statut futur du corps et son devenir via les nouvelles technologies et manipulations génétiques. L'une de nos plus grande différence est que, contrairement à elle, ce n'est pas de mon corps qu' émanent ces questions. D'autre part, son travail aborde le, féminisme, la religion et l'histoire de l'art, que je n'aborde pas.

10. Votre passage par l'Ile Réunion a-t'il été déterminant pour votre œil artistique ?

Oui. C'est avec un objectif artistique de départ que je suis d'ailleurs partie la première fois 3 mois à la Réunion pendant mes études aux Beaux Arts. Je souhaitais travailler en photographiant une nature luxuriante et généreuse sur le thème du rapport de l'homme à la nature. Les possibilités d'échanges physiques avec l'environnement naturel sont nombreuses là bas. C'est lors d'une plongée sous-marine que j'ai eu le premier déclic pour la fabrication de mon système de prise de vus permettant de réaliser les mutants. Cette technique fait appel aux caractéristiques de l'eau.

11. Que souhaiteriez-vous laisser dans l'imaginaire collectif ?

Je souhaite élargir la palette des représentations connues et admises comme « réelles » des êtres vivants. Je voudrais faire glisser les représentations d' êtres vivants de race inconnue » de la sphère de la fiction et du monstrueux à celle du réel, du moins du probable et du « naturel ».

Rendre plus souple et perméable la frontière séparant le monstre et les êtres irréels des êtres vivants « classiques » et « normaux » pour faciliter leur « insertion » à tous les niveaux. Ainsi, face à un chat à écailles on ne se dirait plus « je vais me réveiller » mais « c'est la première fois que j'en vois un ».

De la même façon, concernant le corps humain, je souhaite donner corps dans l'imaginaire à diverses post-humanités par le biais de leur représentation, afin de participer à l' infiltration de ce concept dans la réalité.

Je voudrais que mes créations deviennent « l'avant première visuelle » de la révolution que nous allons vivre au quotidien, la petite étincelle amenant à se dire « Je ferais bien de m'y préparer, ç'est en train d'arriver ».

12. Travaillez-vous sur votre propre corps. Si non allez-vous le faire un jour ? Est-ce une expérimentation possible, envisageable ou votre terrain privilégié c'est avant tous des autres ?

J'ai déjà travaillé avec mon propre corps. Tout au début de ma démarche, par le biais de photographies très « kitch - Hamilton » où je pose dans la nature, mais aussi plus récemment l'année dernière avec une photo titrée : « Le jour de mon premier implant ». On m'y voit avec mon médecin au moment où elle vient de me poser un implant contraceptif. Il est vrai que jusqu'à présent j'utilise surtout le corps d'autres êtres vivants mais je ne suis pas opposée à l'utilisation du mien.

13. Est-ce que vous avez une âme écologiste ? Etes-vous plus sensible que la moyenne au sort environnemental de notre planète ? Votre art est-il un moyen de nous mettre en garde ?

Je ne suis pas de ceux qui rejettent en bloc toute innovation de la science et suis plutôt fascinée et intéressée par ces avancées. Pourtant je crois effectivement que les principes de précaution appliqués sont de plus en plus ridicules et dérisoire par rapports aux impacts potentiels des dernières découvertes.

En 26 petites années d'existence seulement à mon petit niveau de non-spécialiste, j'ai déjà pu constater plusieurs changements dans mon environnement : climat, alimentation, comestibilité des champignons et plantes ramassés en milieu naturel… C'est la preuve que la planète change très vite et malheureusement pas en bien…Alors j'estime qu'être sensible à l'écologie c'est être sensible à sa propre survie. Du coup l'écologie ne se situe plus spécialement dans l'âme mais surtout dans le corps (Estomac, poumons, sang ....) !

14. Parlez-vous du projet "Transgenic Species Lab " ?

Transgénique Species Lab est une œuvre d'art constituée par le site internet : http://www.tsl.be.tf Son principe est le suivant : Le visiteur arrive sur le site d'une société (Transgenic Species Lab) qui propose comme prestation de service l'adoption de mutant de compagnie issus du programme « Self Made Pets » Voici ce qu'on lit sur le site : " … Et si votre animal de compagnie était un être d'une race mutante unique dont vous étiez le créateur ? C'EST POSSIBLE ! Avec le programme Self Made Pet™".Fruit des dernières innovations en matière de génétique, le programme Self Made Pets™ développé par Transgenic Species Lab vous permet de choisir quelles races d'animaux ou de végétaux vous souhaitez croiser pour obtenir une race inédite !…."

Lorsque le visiteur fait la démarche de commander, il passe de l'autre côté du projet et découvre que la société Transgénique Species Lab n'existe pas et que ce site est une œuvre d'art. Il est informé de mes objectifs plastiques et surtout de l'état des choses concernant l'hybridation animale existante actuellement. C'est un peu le principe de la publicité pour les asperges en tube ou les huîtres en spray.

Le site www.terresacree.org a été une source d'information importante pour ce projet.

15. Vous très jeune et très jolie, les gens doivent être surpris par vos passions "particulières" ?

Merci ! Tant mieux si les gens sont surpris par cela aussi. Le rapport entre des choses très différentes voire opposées (jolie jeune femme / assemblage de cadavres d'animaux est souvent très… intéressant.

Mes photographies se débrouillent cependant très bien sans moi pour étonner le public et je compte bien l'étonner toujours autant dans 100 ans quand je serais vielle et moche.

Ma démarche touche au vivant. Il existe certainement chez les femmes, « créatrice de vies », une sensibilité à celle - ci qui leur est propre.

16. En fait votre démarche est la passerelle idéale entre la science et l'art ? Faites-vous partie d'une école de pensée ? De quels autres artistes vous sentez-vous proche ?

« Idéale » rien que ça ! C'est vrai que je cherche un art vulgarisateur de la science et qu'elle est ma principale source d'inspiration.

Je ne me sens pas spécialement proche d'une école de pensée. Pour moi, les critiques d'art se chargent des rattachements, comparaisons, critiques ou oppositions que l'on peut trouver aux travaux des artistes. Ceux-ci, se consacrant plutôt à produire des oeuvres. Je préfère donc laisser la théorie pure aux théoriciens et avancer de façon individuelle en travaillant ma production. Je n'ai pas pour objectif de faire évoluer l'art pour lui même. Ce n'est que mon moyen de communication.

Cependant, des termes comme « bio-punk, bio artistes, et wet-art éveillent mon intérêt et je me sens proche de travaux comme ceux d' Aziz et Cucher , David Lachapelle, Eduardo Kac, Orlan… Je projette aussi de décortiquer les livres « Technoromantisme » de Stéphane Barron et « Crépuscular Dawn » alias « la bombe génétique » de Virilio qui sort prochainement à la MIT press. Pour en revenir à mon école « buissonnière » de pensées, je vous renvoie à un texte que j'ai écrit pour un numéro de Semiotext(e) intitulé « Flesh eating technologie » (qui n'est pas encore paru) . Ce texte est intitulé « L'art comme moyen de vivre la révolution génétique ou l'auto-eugénisme, nouveau rapport à soi. » J'y présente mes idées, c'est une sorte de manifeste que l'on peut lire à cette adresse : http://www.toutnancy.com/tsl/vente/art-com-moyen.htm

17. Ce qui est diablement pertinent sur votre site c'est que nous avons le privilège de voir vos dessins préparatoires. Tout est terriblement intellectualisé et préparé à ce que l'on voit ?

Quel affreux adjectif qu' « intellectualisé » Ces dessins sont plus issus de mon impatience à attaquer les prises de vues et aussi du plaisir qu'apporte le dessin quand il libère l'imagination…

Préparé, oui bien sûr, intellectualisé, j'espère que mon travail ne l'est pas trop. Je souhaite que mes propositions soient le plus limpide possible car m'adresser à un large public m'intéresse plus que de faire mousser l'appréciation exclusive d'initiés de tous bords avec d'obscures références...

Bien que les dessins préparatoires soient importants, il y a une part de hasard dans la réalisation des photos d'"Organismes 2ème génération qui n'est pas anodine :

Il est techniquement impossible de se représenter précisément à l'avance l'aspect d'un mutant de cette série jusqu'aux dernières secondes avant la prise de vue. De la même façon, il est pour le moment encore impossible pour les généticiens de prévoir à 100% la nature exacte de l'être qu'ils vont créer avant qu'il n'existe.

18. Vous citez Braque " Le progrès en art ne consiste pas à étendre ses limites mais à les mieux connaître. " Vous vous inscrivez donc totalement dans cette philosophie. Toujours ce rapport étroit avec les mots.

Oui, je trouve que le langage et l'écriture sont importants, pas tant pour la compréhension d'une oeuvre d'art que pour sa diffusion et pour l'évolution de la démarche plastique. Ne sommes nous d'ailleurs pas en train de le prouver ?

Quand à cette citation, je préfère effectivement le terme de "mieux connaître" à celui d' "étendre " concernant le progrès en art. Je trouve certaines descriptions de Braque au sujet des rapports entre l'art et la science encore très actuelles. Cependant, plus que l'art lui même, ce sont l'écologie, la post-humanité, les mutations et l'auto-eugénisme, qui sont mes champs de réflexion.

19. Quels sont vos projets artistiques les plus fous pour le futur ?

Après les animaux, j'aimerais retourner plus au corps humain. créer des post-humanités possibles ainsi que leur contexte. Jouer avec.

Nous projetons aussi de produire des créations communes, avec mon mari. Sam est un critique impitoyable dont j'apprécie le point de vue. Il commence, de plus à écrire de la science fiction...

Sans doute allons nous creuser l'aspect "piège et intox", avec d'autres prestations de services factices, notamment sur le web, développer un univers, ses lois, ses guides pratiques...

20. Par quoi avez-vous envie de terminer cette E-terview ?

En vous remerciant de me l'avoir proposée ! J'informe aussi les intéressés que je suis disponible pour toute question par mail sur anne@esperet.com

NB : Anne Esperet a joint la photo "le jour de mon premier implant", elle immortalise, le jour où elle s'est fait posé un implant contraceptif dans le bras gauche. L'adjectif « premier » qualifiant cet implant ouvre la perspective de futures autres implantations dans son corps. Cette photographie sera présentée avec une documentation technique concernant l'implant contraceptif « Implanon » sorti en mai 2001 en France, ainsi qu'une liste des principaux implants aux fonctions très diverses existants actuellement.

cette e-terview, est extraite du site
http://www.e-terviews.net

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Interview par Sabine Tartarin (extraite de son dossier dossier "L'art Transgénique" )

 

1.Quand et comment as tu eu le déclic de travailler enrelation avec les avancées biotechnologiques?

C'est plus un cheminement qu'un déclic.Dès le début de mes recherches il y a environ 5 ans, je souhaitais travailler avec les êtres vivant, plante, animaux, et humains. D'abord parce que pour des être humains et à l'échelle de vies humaines mieux comprendre l'organique, c'est déjà pas mal. Une autre raison est parce que, à mon sens, le vivant pose toutes les questions et raconte toutes les histoires.A l'époque, je découvrais notamment le land art. Vers 98 j'ai commencer à plus m'intéresser à l'humain et à son, devenir. Je suis allée 3 mois à l'île de la Réunion faire du sport et vivre dans une nature luxuriante. J'y ai appris la photographie sous -marine et, c'est lors d'une plongée que j'ai eu l'idée d'un processus de prise de vue, astuce technique, pour réaliser des photos de mutants. De retour à Nancy, dans le dioxyde, 10h/jour devant un pc, rêvant à mes futurs enfants en remplissant mon caddie de bouffe discount génétiquement modifiée, je réalise et diffuse avec mon mari des œuvres d'art, en rapport avec la génétique. Cette production est pour nous une façon de nous acclimater, de nous rassurer face aux biotechnologies, en anticipant avec humour et méfiance leurs conséquences et en invitant le spectateur à en faire autant.

2.Comment a germé l'idée des organismes premièregénération et 2ieme génération?

C'est beau le terme " germer " pour des idées…

L'idée des organismes 1 et 2 ème génération est liée comme je l'expliquais ci-dessus à la découverte et l'utilisation d'un processus original.

Les êtres vivants étant au centre de mes intérêts, j'ai simplement commencé à produire des images à partir du corps humain, terrain plus familier et directement " sous la main ".Dans la série " organismes premier génération, ce corps humain se brouille, se morcelle, mute. Dans la série " Sexy géométrie " qui vient après, un rapprochement s'opère : Les images de " sexy géométrie " sont des cadrages très sérés de vues qui sont issues des recherches pour organismes 21ère génération.. On passe dans un autre rapport, la vision du corps humain troublé y est différente.
Pour organismes 2èm génération une distance se remet en place avec les êtres crées, mais surtout, les matériaux de départ ne sont plus les même. Du corps humain qui limitait les possibilités de prise de vues, on passe au corps animal. L'utilisation de divers morceaux d'animaux permet dans organismes 2ème génération une variante quasi infinie de possibilités de combinaisons. Par la suite des éléments végétaux (patate, bambou) et minéraux (corail) sont venu s'ajouter à cette nouvelle sorte de palette à mutant.


3.N'est il pas étrange de représenter des mutants ayant une quasi-symétrie axiale? (question que je t'avais posée, et j'avais bien aimé ta réponse, ne m'en souviens plus)

Non, au contraire, c'est logique. J'essaye de donner un aspect vivant, organique et réel à ces mutants. La symétrie ou plutôt la quasi symétrie axiale est très répandue chez les être vivants un peu évolués : 2 yeux, un nombre pair de membres, des systèmes respiratoire et digestif centraux…
L'objectif n'est pas de représenter des êtres qui auraient dû être symétriques et qui ont
" raté " dans leur processus de création et seraient déformées, il s'agit plus de tests, de mélanges d'espèces qui auraient donné naissances à des être nouveaux mais " réussit " dans leur construction physique.

4.L'Univers qui t'inspire le plus: la littérature, la BD, le cinéma futuriste...ou tout simplement la science et son état d'avancement actuel. Considères tuque nous vivons déjà dans un monde de pseudo ScienceFiction?

Effectivement. Je suis surtout fascinée par l'impression que la SF et la réalité se rejoignent de plus en plus. J'aime beaucoup la littérature cyberpunk , notamment W. Gibson. Tout ce que je vois et entend influe sur ma production. Mon moteur principal reste pourtant la réalité, à travers les avancées de la science et leur conséquences sur la vie de chacun.

5.Quelle est la fonction de ton art ?

Là j'ai envie de citer Orlan : "…l'art qui m'intéresse s'apparente, appartient à la résistance. Il doit bousculer nos a priori, bouleverser nos pensées, il est hors normes. Il est hors la loi. Il n'est pas là pour nous bercer, pour nous servir ce que nous connaissons déjà, il doit prendre des risques, au risque de ne pas être accepté d'emblée, il est déviant, il est en lui même un projet de société… "

J'essaye de ne pas laisser indifférent le spectateur, de déclencher chez lui toutes sortes de réflexions au sujet des êtres vivants et de leur devenir

6.Que penses-tu du "wet art" ?

Depuis des siècles l'art décortique la science. La continuité de du rapport art/science permet de comprendre l'existence du wet art. Ce mouvement est très intéressant. Les artistes du wet sont près à aborder des problématiques très variées en utilisant la matière vivante. les australiens Oron Catts et Ionat Zurr par exemple dans le cadre de leur projet "Tissue Culture and Art Project", utilisent la culture de tissus humains in vitro comme nouveau medium de création sculpturale ". Ma démarche est différente dans le sens ou je n'expose pas de la matière vivante ni des installations faisant directement usage des dernières biotechnologies. Je produit surtout des images, sortes de mises en scène, de spéculations futuristes.
Comme dans tous les groupes, il ne faut pas oublier les spécificités des individu et les artistes du wet art ont chacuns des positionnements différent, au delà de l'homogénéité de ce regroupement. J'adhère assez à la position de Nathalie Jeremijenko concernant le bioart qu'elle juge intéressant justement par ce qu'il oblige le public réfléchir. Ce n'est certainement pas toujours le cas et il est tout de même délicat de manipuler du matériel vivant. Quelle est la responsabilité de l'artiste du wet raport à l'existence de ses créations ?

7.J'ai lu que tu considérais être proche du travail denombreux artistes dont Eduardo KAc. En quelle mesure?

Le terme de Proche est à affiner : J'admire le travail très complexe et varié de E Kac. Son oeuvre est un encouragement aux interaction dialogiques, il met en confrontation des problèmes complexes comme l'identité , la communications, la médiation, la responsabilité... c'est parce que son travail décortique la portée et la poésie de toutes les nouvelles sciences et médias que je m'en sens proche. Je suis passionnée par les incidences de l'utilisation de nos nouveaux outils sur nos vies futures.

8. "L'art biotech' comme médium publicitaire à l'industrie biotechnologique."

Les groupes privés comme Novartis par exemple ont bien compris que les artistes biotech pouvaient être un bon moyen de promotion. Ce poids lourd des OGM, était, en 1999, l'un des sponsors du festival Ars Electronica.
( Transfert, N.9, Vol. 1, Novembre 2000. )
Je me méfie pas mal de la récupération possible des productions artistiques comme moyen de promotion et d'enrichissement d'intérêts privés. Il peut être extrêmement intéressant de collaborer avec ce type de groupes mais c'est vraiment à double tranchant car si la fonction de l'artiste est d'être un filtre de son monde, un observateur pointant pointilleux, il lui est
nécessairede pouvoir maintenir une distance critique avec les " objets " de ses recherches.

Dans le contexte actuel de chaos législatif et de et de manque de principes de précautions, c'est plutôt de l'anti - pub que j'aurais envie de faire. Sans avoir cette position extrême , je souhaite soulever les points sensibles, chercher un équilibre dans l'assimilation des nouvelles technologie, une possibilité d'adaptation. C'est pourquoi je ne fais pas l 'éloge, ni ne renie en bloc la révolution biotechnologique. J'essaye juste de comprendre, de spéculer, d'alléger les angoisses et fantasmes quelle provoque.

Faire des fausses pub pour divers produits de consommation futuristes est une stratégie pour moi. Ainsi, j'ai déjà créé la société Transgénic Species Lab qui vent des " Self made Pets ". Nouveaux animaux transgénique de compagnie dont on peut commander le profil à la carte. (http://www.tsl.be.tf). Les prestations de services de TSL sont les mutants photographique de " organismes 2ème génération.


8.L'oeuvre vivante issue du bioart appartient à la l'œuvre du bio art appartien à la culture. Où est passée la délimitation entre nature et culture?

Dans le Wet art cette délimitation est effectivement perturbée. Les lieux des limites et de leurs glissements sont extrêmement intéressant et l'art y opère volontiers. Endroits troubles mais définis, passages, petits moment d'équilibre avant de glisser vers une chose définie ou une autre . La limite entre nature et culture est perturbée dans l'art biotech comme elle l'est dans la vie lorsque l'on s'intéresse aux incidences de la bio révolution !

La notion de nature est en effet aujourd'hui à redéfinir . Dominique Lecourt, le président du comité d'éthique de l'IRD l'explique dans " humain post humain " (sciences , histoire et sociéte. Puf). Lorsqu'il cite J-C Guillebaud, :

" Nous avons confusément conscience de vivre l'un de ces moment périeux où la responsabilité nous incombe d'avoir à inventer une nouvelle conception, une nouvelle pratique de la vie humaine ".
" Le principe d'humanité " Paris, seuil 2001.)

Si on admet que le sens du mot "nature" est à redéfinir, il n'est pas étonnant que la délimitation entre ce terme et toute autre notion soit perturbée.

9. Et la délimitation entre art et science?

je n'ai pas de réponse à donner en 2 phrases concernant une chose aussi subtile, complexe, variée et changeante qu'est la délimitation entre l'art et la science. La limite se situe peut être en bonne partie dans les objectifs des créateurs, artistes et scientifiques et dans le rapport de leurs création respective avec autrui. La délimitation entre l'art et la science évolue et change quand l'une ou l'autre des 2 notions est bouleversée. C'est le cas aujourd'hui pour la science, ce qui en toute logique bouleverse son rapport avec l'art mais aussi avec tout le reste.

10.Quelles sont les craintes profondes qui alimententton imagination quand au futur "corps humain"? Et son environnement futur?

Il n'est pas évident d'exprimer ses craintes mais aussi ses fantasmes les plus profonds. C'est peut être un peu la raison pour laquelle je passe à la production d'images. Cela dit, mes peurs et mes fantasmes rapport au futur " corps humain " sont vraiment très nombreuses. Pourra-t-on adapter les possibilités de son corps aux besoins de ses activités comme dans les romans de Gibson ? Est ce que mes arrière arrière arrière petits enfants auront les même corps que le nôtre ? quel seront les différences entre le rapport que nous avons avec notre corps maintenant et celui qu'auront avec le leur les générations futures? Jusqu'à quel point sera bouleversé la sexualité, la reproduction, l'alimentation, la médecine ? Allons nous vers un inimaginable mieux-être ou une techno-catastrophe de plus ?


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le républicain Lorrain . avril 2001


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18 mai 2001 Le républicain Lorrain


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L'humanité hebdo 07/07 2001


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